Maé. 12 ans. Trouble de la sphère autistique

Pour commencer ce portrait est particulier pour moi car Morgane, la maman de Maé, est une de mes plus vieilles amies. Oui, on a grandit dans le même village où nos parents vivent toujours, et se croisent régulièrement, on s’est rencontrées en maternelle et retrouvées au lycée… Mais même si je connais la maman et l’enfant, j’ai été particulièrement émue par les détails de leur histoire et leur quotidien !
Merci d’avoir accepté de poser tes mots et partager votre parcours Morgane 🫶🏻

Qui êtes-vous, ton fils, ta famille & toi ?

Je m’appelle Morgane, j’ai 42 ans et je suis maman de trois garçons. Mattéo, mon aîné, a 20 ans et est né d’une première union.

Ensuite, avec mon mari Aurélien, on a eu Maé, aujourd’hui âgé de 12 ans, puis Milan, bientôt 11 ans, arrivé par surprise suite à un déni de grossesse. Je crois profondément que Milan n’est pas arrivé par hasard, comme s’il avait une mission auprès de son frère.

Nous formons une famille unie, même si les relations dans la fratrie ne sont pas toujours simples.

Quel est son handicap / sa pathologie ?

Maé est porteur de plusieurs troubles du neurodéveloppement. Il a un trouble de la sphère autistique, un trouble déficitaire de l’attention (TDA), un trouble anxieux chronique, ainsi que des TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Ce qui est parfois difficile, c’est que ses troubles sont peu visibles à l’extérieur : à l’école, il semble gérer, mais une fois à la maison, il se décharge de tout. Il saute, il met en place des rituels, il a besoin de contrôle. Parfois c’est ludique, parfois ça envahit tout.

A-t-il un traitement ? As-tu des astuces pour les périodes “down” ?

Oui, Maé a eu plusieurs traitements qu’on a ajustés avec le temps. Il a commencé par de la mélatonine pour dormir – j’ai appris que beaucoup d’enfants autistes ne produisent pas naturellement cette hormone, ce qui explique leurs nuits hachées.

Ensuite, il a eu un sirop contre l’anxiété, qu’il a lui-même choisi d’arrêter après 4 ans. Il a aussi un traitement pour ses TOC, récemment augmenté, et un traitement pour le TDA, qui l’aide beaucoup à se concentrer à l’école.

Ce qui nous aide dans les périodes plus compliquées, c’est de respecter ses temps calmes, de ne pas surstimuler, de garder une routine rassurante. Et surtout, de l’écouter, parce que Maé exprime beaucoup de choses quand on lui laisse l’espace de le faire.

Qu’est-ce que ça l’empêche de faire ?

Maé a du mal à s’adapter aux environnements bruyants, instables ou trop peu encadrés. Les grandes classes ou les groupes nombreux le fatiguent vite.

Il a besoin de rituels, ce qui peut rendre les gestes du quotidien longs et parfois pesants. Il vit ses émotions très fort, il peut se renfermer ou s’agiter sans prévenir.

Et pendant longtemps, il a refusé certains aliments à cause de troubles de l’oralité : la texture, la couleur, tout pouvait devenir source de blocage. Il a aussi du mal à se faire des amis durables, car il est souvent perçu comme « à part » par les autres enfants.

As-tu dû adapter ton domicile ?

On n’a pas fait de travaux ou d’installations particulières, mais notre organisation familiale entière s’est adaptée à lui.

On évite les imprévus, on sécurise son environnement, on gère ses rituels du mieux qu’on peut. Le quotidien est rythmé par ses besoins, et tout le monde dans la maison a dû composer avec ça. Ce n’est pas toujours simple pour ses frères, surtout pour Milan qui est très proche en âge, mais on essaie de faire de notre mieux pour chacun.

Et comment se passe sa vie scolaire et sociale ?

Sa scolarité a été un vrai combat.

L’école publique a été très décevante : discours d’inclusion mais réalité de rejet. Il a été mis à l’écart, littéralement installé au fond de la classe avec des Lego, pour qu’il ne « dérange pas ». J’ai dû le déscolariser. Par chance, j’ai retrouvé une dame rencontrée par hasard qui ouvrait une école alternative.

Ça a changé notre vie. Il s’y est épanoui, j’ai pu souffler, et on a retrouvé un semblant de sérénité familiale. Mais… en passant au privé, on a perdu toutes les aides : AESH (9h/semaine) et Allocation Éducation Enfant Handicapé.

L’an dernier, pour l’entrée en CM2, on a voulu le réhabituer à l’école classique pour préparer le collège. Ce retour a été difficile, car les effectifs sont lourds et l’encadrement pas adapté.

En septembre, il rentre en 5eme dans un collège classique ! Une victoire !

Socialement, il joue un peu au foot dans son quartier, mais reste souvent une proie facile. Heureusement, il a ses passions : Lego, voitures de luxe, foot. Il rêve de devenir mécanicien de voitures de sport, ou commentateur sportif – il retient des matchs entiers, même ceux de 1964 !

Aujourd’,hui encore il a minimum deux rendez-vous par semaine : orthophoniste et psychologue (il a du mal à accepter sa différence et à gérer le regard des gens parfois. Et il faut essayer d’apaiser les TOCS!!!)

Et toi, qu’est-ce que ça a changé dans ta vie personnelle et professionnelle ?

J’ai mis ma carrière de côté pendant quelques années ! Les frais de nounou, le manque d’aides, le temps consacré à Maé… tout a pesé. Mon salaire ne couvrait même pas les frais de garde. Alors j’ai arrêté de travailler et je me suis tournée vers l’Allocation Éducation Enfant Handicapé.

Psychologiquement, c’est une charge énorme. Je suis devenue une « maman aidante » à temps plein, et ça ne laisse pas beaucoup de place au reste. J’ai tout donné pour lui, sans regret, mais avec lucidité : c’est un choix contraint, pas un luxe.

As-tu dû mener des batailles ? Et contre qui ?

Oui, et beaucoup. Contre l’attente interminable des CMP. Contre les écoles qui promettent l’inclusion mais ne la mettent pas en œuvre. Contre l’administration qui supprime les aides sans justification quand vous passez en école alternative.

Contre les professionnels qui vous disent “on ne sait pas”, “il est un mystère”, alors que vous, parent, vous avez besoin d’un cap, d’un nom, d’un plan d’action.

Et contre un système injuste : les 1 100 € de bilans non remboursés, les 4 400 € de frais d’école, les 130 € de soins par semaine… Tout cela à payer parce qu’on n’a pas le choix, mais tout le monde ne peut pas faire ça. Heureusement, nous, nous avons eu l’aide de nos proches !utis

Comment peut-on vous aider ?

Déjà, en écoutant vraiment. En arrêtant de penser qu’un enfant qui sourit ne souffre pas.

En valorisant le rôle des aidants familiaux, en rendant le parcours de soin plus humain, plus rapide. En maintenant les aides, même en école alternative.

Et puis en parlant de nos enfants. Plus on les rend visibles, plus on fait évoluer les mentalités. Maé n’est pas une case à cocher : c’est un enfant intelligent, drôle, passionné, qui a juste besoin d’un peu plus de souplesse pour s’épanouir.

Et moi, j’ai juste besoin de ne pas me battre seule.


Commentaires

Une réponse à « Maé. 12 ans. Trouble de la sphère autistique »

  1. […] où ma mère, ma grand-mère et même mon arrière grand-mère ont elle aussi grandi (et aussi Morgane qui a accepté de témoignée en temps que maman aidante).Après un BAC STT et un BTS Action […]

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